Maman fraîchement célibataire, il a fallu penser à ma « vie de femme », ce qui n’était pas une mince affaire dans mon contexte et mon état ambiance post-partum.
Je me suis lancée dans la merveilleuse aventure des sites de rencontres.
Et voici comment je me suis sorti la tête de mes préoccupations couches, vomi, mouche bébé.
Sans transition.
Prologue, la drague en ligne
C’est comme un grand supermarché. Tous ces hommes à portée de clic, ça fait un peu tourner la tête. Sauf que tu te rends rapidement compte que l’ambiance est plus Lidl que Les Galeries Lafayette.
Il y en a des centaines, c’est impressionnant ce flot de célibataires.
Tu consultes les fiches et fais de grandes découvertes. Ainsi tu apprends que beaucoup d’hommes se plaisent à poser en photo sur un engin à moteur, imaginant peut-être que la vue de la grosse machine viendra exciter la galinette.
Certains s’exhibent à côté d’une fille (floutée, quand même), pendue à leur cou. Ils pensent sûrement que si le produit a plu par le passé ça doit suffire à te donner envie.
Les photos sont une réserve de trésors. Il y en a pour tous les goûts. Surtout les mauvais.
Pas mal de types posent bodybuildés et huilés devant leur miroir de salle de bain.
L’homme veut montrer qu’il est musclé et que tu ne vas pas le regretter.
D’autres sont accoutrés de déguisements plus ou moins ridicules en mode jour de l’an (costume de canard, Zoro, Casimir…). L’homme sait rire parfois.
Enfin, certains sont assis sur un rocher ou une plage et regardent, l’air absorbé, vers l’horizon.
L’homme est mystérieux et se perd dans ses pensées.
Puis tu te plonges dans les « textes » et tu n’es pas au bout de tes surprises.
Ainsi, l’homme, contre toute attente, aime l’humour (« je ris beaucoup, car l’humour est important »), l’homme aime aussi vivre (« vivre est ce qu’il y a de plus beau au monde, la plupart des gens existent, c’est tout »), l’homme ne se prend pas la tête et a des centres d’intérêt palpitants (« Je suis un homme qui ne se prend pas la tête, qui profite de chaque instant, qui aime sortir, boire un verre, aller en soirée, au cinéma, au restaurant, en boîte »).
L’homme a parfois une relation compliquée avec la ponctuation, et avec l’orthographe en général (« si tu ai sympathique ,rigolote et que tu ne te prend pas la tête appelle moi » ou encore « Simple, pas de prise de tete, belle, sportif, franc, debrouillarde, qui prend soin d’elle, drole, gentille et Culote ! », ainsi les puristes de l’orthographe se demanderont si le jeune homme est au final à la recherche d’une personne du sexe féminin, ou autre. Quant au « culote » de la fin, je reste encore interdite).
Beaucoup d’entre eux considèrent que la chose la plus importante, c’est le feeling, qui « fera le reste ».
Certains affichent ouvertement qu’ils sont là pour une rencontre extra-conjugale (« Théo 39ans Paris 17. Vivant en couple.. vous l’aurez compris, ne cherchant que bulles amusantes ludiques, érotiques…”).
Bien bien bien.
Coeur du sujet, la rencontre
Il faut faire un gros travail de tri. Et même après le tri, on n’est pas à l’abri de surprises.
Vous pouvez ainsi souvent constater que l’homme que vous rencontrez a connu une désaffection capillaire plus ou moins brutale rapport au nombre de cheveux en moins en comparaison avec sa photo.
En revanche il a souvent connu une recrudescence de gras, c’est l’hiver.
Je vais vous épargner le récit des rencontres qui se passent bien et vous parler des rencontres « moments de solitude ».
Le phobique social
Il déchiquette nerveusement sa serviette en papier en lançant des coups d’oeil furtifs autour de lui comme s’il craignait une attaque de zombies. Il ne croise jamais votre regard.
Il mange tout le pain de la corbeille.
Il finit par vous avouer qu’il est très stressé (sans déconner ?!), qu’il est « phobique social », qu’il est en analyse depuis 10 ans (visiblement un échec).
Il se ressert souvent du vin, et une fois soul, il vous donne des détails hyper intimes de sa vie du genre « nan, mais moi ma mère est sculpteur, j’ai été élevée au milieu des courbes, des formes, tout en rondeur. Du coup je n’aime que les grosses blondes, à forte poitrine » (je précise que je suis brune et mince, mais ça n’a plus vraiment d’importance, à ce stade).
Le gars moche qui te saute dessus
Après quelques échanges de mails il vous téléphone.
Il a une voix suave et vous vous imaginez déjà en train de boire un verre avec Georges Clooney dans un cadre idyllique. Il vous dit qu’il est coincé chez lui car ses voisins doivent lui déposer un jeu de clés avant leur départ en vacances. Il vous demande si plutôt que de se retrouver dans un café, vous ne pouvez pas passer chez lui boire un verre.
Vous êtes en confiance vous dites oui (vous êtes un peu con).
Quand même vous demandez à ce qu’il descende vous chercher en bas de son immeuble. Au cas où il vous ferait trop flipper, vous auriez la possibilité de vous barrer.
Il descend vous chercher en bas de son immeuble. Il ne vous fait pas flipper au sens PEUR, mais il vous fait flipper au sens il ressemble à Quasimodo en pire.
Vous vous dites merde je vais pas lui dire t’es trop moche je monte pas. Vous avez de l’empathie. Vous montez.
Son petit salon de 8 m2 n’est pas le cadre idyllique que vous aviez imaginé.
Il vous sert un p’tit verre de mousseux pour vous mettre à l’aise.
Vous discutez, il est sympa (il n’a pas trop le choix, rapport à son physique).
Après 1h de discussion, vous dites que vous devez rejoindre une copine (c’est vrai). Vous vous levez.
Et là, au moment où vous vous y attendez le moins, alors que vous essayez de mettre la 2ème manche de votre manteau, il se jette sur vous et vous colle contre sa porte d’entrée.
Vous êtes un peu sonnée, vous ne réagissez pas tout de suite (d’autant que vous n’avez pas complètement enfilé votre 2ème manche).
Il en profite pour vous mettre son genou entre les jambes et tente de vous attraper un sein.
Il est petit et il est presque obligé de lever un bras pour l’atteindre.
Dans un élan désespéré, il tend ses lèvres vers les vôtres, mais n’atteint pas tout à fait votre bouche. C’est une chance. Vous le repoussez gentiment. Vous vous demandez ce que vous avez pu faire ou dire qui lui a laissé entendre qu’il y avait ouverture.
Vous réalisez qu’il mise tout sur la devise « sur un malentendu (…) ».
Vous demandez à partir, il fait une 2ème tentative et vous recolle contre la porte. Cette 2ème tentative se termine elle aussi par un échec (il vous arrive toujours au menton).
Vous commencez à vous demander s’il n’est pas complètement fou et si on ne va pas vous retrouver dans 2 mois attachée au radiateur, toute desséchée. Il vous laisse partir.
Ouf.
Vous êtes tellement contente que vous avez presque envie de l’embrasser (nan j’déconne).
Il propose de vous raccompagner. Et merde.
Vous dites nan, il insiste.
Il vous raccompagne jusqu’à la copine.
Vous avez honte que la copine vous voit avec lui et vous lui faites promettre de ne jamais en parler à personne.
Le dépressif
Il vient de terminer une thèse. Vous le questionnez sur son sujet et le regrettez aussitôt.
Vous n’y carrez quechi, mais vous essayez de prendre votre air le plus intelligent et faites semblant de vous intéresser (vous voulez faire bonne impression, vous ne savez pas encore qu’il est chiant comme la mort).
Vous posez des questions en répétant la fin de ses phrases « ah oui l’analyse des fluides micro actifs en milieu acide (…) ». Il vous explique qu’il n’a pas obtenu de poste à la fac, qu’il a un poste de prof dans un lycée pourri en province. Que sa copine l’a quitté… Qu’il est dépressif et sous cachetons.
Passé le récit de sa vie il ne vous pose pas une seule question et semble ruminer ses échecs.
Vous commencez à vous ennuyer ferme et cherchez une porte de sortie. Votre tante vient d’avoir une attaque vous allez devoir y aller.
Après ces rencontres j’étais sacrément contente de retrouver ma fille… normale.
Mais je ne regrette pas l’expérience, j’avais plein de trucs à raconter aux copines. Je me souviens notamment de cette fois où nous avons réalisé avec l’une d’elle avoir rencontré ce même type étrange. Comme si nous avions parlé au même mec dans un bar. Et j’en garde cette impression bizarre que les rencontres sur le net sont au final un espace un peu confiné.